Festival du Goéland Masqué 2017

Du 2 au 5 juin 2017, le 17e festival Le Goéland Masqué nous ouvrait ses micros pour capter les rencontres d’auteurs. Plongez-vous dans l’univers de la littérature noire sous toutes ses formes (BD, roman…) avec des auteurs étonnants ! Cette année le thème portait sur les territoires…


Les JoliMago 2017


Malice et bonne humeur sont au rendez-vous dans ces jeux littéraires du Goéland Masqué, avec les joyeux lurons Pierre Ovidio, Jean Hugues Oppel, Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal, et Benoît Séverac. Prêtez-vous au jeu !


Lance Weller : la violence décrite à hauteur d’homme


Wilderness, premier roman de l’américain Lance Weller paru en 2013, abordait la violence du peuple américain à travers le personnage d’Abel Truman, un survivant de la Guerre de Sécession hanté par les combats. De cette violence indélébile, Lance Weller en a tiré une fresque romanesque dont on retrouve certains aspects dans son dernier roman paru en 2016, Les marches de l’Amérique. Face au public du Goéland Masqué, le romancier s’est livré sur la construction de ce livre relatant le périple vers le Mexique de Pigsmeat, Tom et Flora, dans l’Amérique du milieu du XIXe siècle tiraillée par les conflits entre Mexicains et Américains. Questionné par Hervé Delouche à propos de la violence omniprésente dans son roman, Lance Weller se défend d’aller trop loin. Pour lui, la violence et la barbarie sont inscrites dans le coeur de l’Amérique, elles en sont même les fondations.


Gérard Filoche et Patrick Raynal : Cérium


Tandis que certains hommes politiques écrivent des romans sous pseudonyme – Bruno Le Maire et ses romans parus dans la collection Harlequin, démasqué -, d’autres assument et signent de leur véritable nom, comme Gérard Filoche. Plus connu pour ses coups de gueule que pour sa plume, l’ancien inspecteur du travail a co-signé en 2016 avec Patrick Raynal un roman noir, Cérium. Cérium, c’est l’histoire de Jean Carré, inspecteur du travail, qui démêle le vrai du faux dans une sombre histoire de Chinois au bras coupé. Avec franc-parler et sincérité, Gérard Filoche et Patrick Raynal ont régalé le public de Penmarc’h d’anecdotes et de traits d’humour, noir, évidemment.


Lilja Sigurdadottir : Entre krach et cendre


Troisième roman, aujourd’hui best-seller international, premier livre traduit en français de l’écrivain islandaise Lilja Sigurdardottir, Piégée prend place dans l’Islande en crise du tournant des années 2010. Suite au krach financier, c’est toute la société islandaise qui a été ébranlée : certains ont perdu leur maison, d’autres leur travail, quand de nombreuses entreprises ont mis la clé sous la porte. Cet événement, accompagné de l’éruption du volcan Eyjafjöll, a transformé le rapport de l’Islande au reste du monde et vice-versa. Nombreux sont ceux qui ont souhaité aller voir l’île de plus près, dynamisant économiquement un secteur jusqu’alors au ralenti, le tourisme. Piégée retrace la trajectoire de quatre personnages, dont deux femmes aux destinées chaotiques que l’amour va rapprocher. Abordant une dimension du roman noir encore très peu explorée en France qu’est l’homosexualité, Lilja Sigurdardottir nous livre une vision de l’Islande entre krach et cendre…


Hervé Le Corre : Prendre les loups pour des chiens


Pour son dernier roman, Prendre les loups pour des chiens – dont le titre n’est pas sans nous rappeler le poème d’Aragon Est-ce ainsi que les hommes vivent ? –, Hervé Le Corre nous plonge dans les pinèdes du Sud de la Gironde. L’écrivain bordelais s’inscrit dans un territoire qu’il ne cesse de dépeindre livre après livre et campe ses personnages dans un quart-monde ignoré, en-dehors des codes sociaux, où la débrouille et la violence sourde sont de mise. Franck sort tout juste de prison et s’échoue « dans un nid de couleuvres aux prises avec des crotales ». Dans ce portrait de groupe extrêmement sombre, c’est à la construction des personnages, à leur densité, à leur complexité, plus qu’à l’intrigue et au scénario, que l’écrivain s’intéresse. Une façon pour lui de questionner la nature humaine et de s’inscrire dans la veine sociale du roman noir.


Regards croisés sur les territoires ruraux : Colin Niel, Marin Ledun et Franck Bouysse


Colin Niel, Marin Ledun et Franck Bouysse ont pour point commun d’écrire des romans qui plongent le lecteur dans des territoires ruraux. Les causses, les Landes et le plateau de Millevaches sont respectivement dans l’ordre le décor de leurs derniers ouvrages. Simple tendance du moment ou révélateur d’une envie dramaturgique et documentaire plus profonde ? « Plus l’espace est vaste, plus les gens sont enfermés dans leurs têtes » avance Franck Bouysse. Peut-être un indice ? Quand le noir se met au vert…


Mémoire de l’Espagne franquiste : Antonio Altarriba, Angel De La Calle, Paco Roca et Jaime Martin


Réunis autour de la table du Goéland Masqué en ce samedi 3 juin 2017, quatre auteurs bédéistes espagnols reviennent sur l’amnésie en cours chez nos voisins ibériques. Alors que la guerre civile reste, elle, un sujet encore relativement abordable, il est par contre impossible de parler du franquisme à l’heure actuelle dans les médias de masses espagnoles, quarante-deux ans après la mort du Général. C’est ainsi que la bande-dessinée, parce que sous-estimée et peut être moins lue, est devenue le lieu de réhabilitation de cette mémoire. Les guerres silencieuses (Aire Libre, 2013), La Nueve : Les Républicains espagnols qui ont libéré Paris (Delcourt, 2014), Tina Modotti (Vertige Graphic, 2011) et L’Art de voler (Denoël, 2009), quatre titres parmi d’autres de cette Nouvelle vague espagnole venu s’échouer et dénoncer sur les rivages de Penmarc’h la « loi de l’oubli » qui domine à l’heure où « une majorité de ministres du gouvernement Rajoy sont des descendants franquistes… »


Survivre en milieu urbain : Charles Robinson et Patricia Osganian


Charles Robinson est l’auteur de La fabrication de la guerre civile (Seuil, 2016), qui fait suite à Dans les cités (Seuil, 2011), un cycle sur la cité HLM Les Pigeonniers. Patricia Osganian, elle, a publié Meurtre à Menilmontant (Le Pythagore, 2016) et entre autres, Meurtre à la cité des Vertes-Voyes (Le Pythagore, 2016). Benoît Séverac, enfin, écrit des romans noirs et nouvelles policières qui prennent corps à Toulouse, dans le quartier des Izards où il réside.
Tous trois étaient amenés à réfléchir et échanger ensemble sur la question du territoire urbain et des périphéries, grâce aux questions d’Ida Mesplède, présidente de l’association Polars sur Garonne.


Des graines sous la neige : Roland Michon et Laetitia Rouxel


Nathalie Lemel n’était pas moins engagée que sa compagne de bagne en Nouvelle-Calédonie, Louise Michel, figure connue de la Commune pour son engagement féministe et socialiste intense. Absente de nos mémoires, Nathalie Lemel n’a pas laissé de traces écrites sur sa vie : ce fut pourtant une épopée de 95 années, qui a fait d’elle un témoin d’un siècle de luttes pour de grandes causes sociales et féministes. Sur le mode narratif du roman graphique, Roland Michon et Laetitia Rouxel ont rassemblé les pièces d’un immense et long puzzle. La vie de cette héroïne oubliée, née à Brest en 1826, est sans aucun doute surprenante et inspirante, tant sur les idées, utopistes sans doute, mais qui ne disparaissent pas, un peu comme des graines sous la neige. Cet entretien en public est l’occasion de se replonger dans ce siècle de grands bouleversements.