16 min 37 – 2018
Par Jean-Luc Germain et Virginie de Rocquigny
Des Monts d’Arrée à la Floride, René Tanguy a réalisé un voyage photographique à partir de la correspondance entre Jack Kerouac et le poète breton Youenn Gwernig. Une amitié forte, qui marque les trois dernières années de l’auteur de Sur la route (1922-1969). René Tanguy nous entraîne dans ce périple à travers cinq photographies extraites de son livre, Sad Paradise, publié aux éditions Locus Solus.
Le livre de René Tanguy nous fait voyager à travers les œuvres et la relation entre ces deux auteurs. Cet entretien avec lui donne lieu à un autre voyage, visuel et sonore :
Steve Dalachinsky, poète new-yorkais actif sur la scène du free jazz, lit pour Oufipo quelques extraits des lettres de Jack Kerouac à Youenn Gwernig.
enregistré à New York, printemps 2017
Une brève histoire de Dalachinsky et Kerouac
« Pendant la période tourmentée de mon adolescence, certains de mes amis m’appelaient Dean Moriarty. Une comparaison que je n’ai jamais vraiment comprise. Je n’étais jamais parti en road trip, j’étais l’un des rares de ma génération à n’avoir jamais accroché avec Sur la route. J’avais commencé le livre mais sans jamais aller au bout. En tant que poète, je préférais la poésie : Ginsberg, Corso et d’autres. Du côté des écrivains, je me passionnais plutôt pour Camus, Kafka.
Et puis, un jour, j’ai découvert Scattered Poems, Trip Trap, et d’autres livres où l’on trouvait des poèmes et des haïkus de Kerouac. J’écrivais des haïkus depuis mes 19 ans, mais les siens, et ses idées sur ce genre littéraire, ont élargi mon horizon. Peu de temps après, je l’ai entendu lire ses textes. J’ai été séduit par son débit, son style et, dès lors, j’ai renoncé à l’envie de lire comme Dylan Thomas.
En 1976, je me suis plongé dans ses romans, des livres comme Mexico City Blues. J’ai rapidement compris que Kerouac, malgré son désir d’écrire le grand roman de l’Amérique, était avant tout un poète. Prenez Maggy Cassidy, par exemple : chaque chapitre commence comme un vers de haïku. Pour moi, Kerouac est un poète, et l’un des plus grands auteurs de haïku au monde, et j’inclus les haijin japonais.
Très jeune, j’étais déjà accro au jazz. Et plus j’ai approfondi ma connaissance de l’œuvre de Kerouac, plus lui et le jazz ont pris de l’importance pour moi, à la fois comme mythe et comme réalité. Ses idées sur l’improvisation et la prose spontanée, qu’il a découvertes auprès d’artistes comme Charlie Parker, et mises en pratique par les mots, ont profondément influencé mon travail, et l’influencent aujourd’hui encore.
Depuis les années 1980, j’ai écrit de nombreux textes dédiés à Kerouac et à Lowell (Massachusetts). Avec ma femme, Yuko Otomo, nous avons participé à de plusieurs reprises au festival « Lowell celebrates Kerouac », qui a lieu tous les ans.
Chaque jour qui passe, « je pense au Vieux Dean Moriarty. Je pense à Dean Moriarty ».
Steve Dalachinsky, New York, 23 mars 2017.
Steve Dalachinsky, né en 1946 à New York, vit à Manhattan. Il est actif sur la scène du free jazz et effectue régulièrement des lectures avec des musiciens pour donner à ses textes une autre voix. Il s’est notamment produit avec William Parker, Matthew Shipp, Susie Ibarra, Roy Campbell… Depuis 2011, il collabore avec le groupe français The Snobs.