Mark Vernon, archéologie sonore et mémoire magnétique

1 h 04 – Longueur d’ondes 2020

« Ma première expérience dans le domaine a été le lancement, avec quelques amis, d’une radio d’art pirate à Glasgow à la fin des années 90. Pendant plusieurs années ‘Radio Tuesday’ a diffusé sporadiquement sur Glasgow, avec des contenus constitués de travaux d’artistes et musiciens du coin, parfois créés et enregistrés dans notre studio temporaire construit pour l’occasion. À une époque où ‘art sonore’ était un terme très peu connu, cela a offert à de nombreux artistes une première opportunité d’expérimenter avec le potentiel du son et de la radio en tant que médium. Rien ne pourra dépasser l’excitation des ces premières émissions : créer des jingles, compiler des programmes sur mini-disc, alimenter l’émetteur avec des pinces-crocodiles branchées à une batterie de voiture tandis que l’antenne était attachée à une clôture quelque part sur une route de campagne, appeler des amis au téléphone pour tester la portée de transmission et évaluer la clarté de celle-ci. Ça, et l’excitation d’allumer le poste et d’entendre une production sonore réalisée par moi-même et transportée grâce aux ondes jusqu’aux oreilles de quiconque voulait écouter. »

Mark Vernon vit toujours à Glasgow aujourd’hui. Artiste sonore, il est curateur de Radiophrenia et producteur de pièces sonores que vous pouvez écouter ici.  Sa présence à Brest a été rendue possible grâce au Hearsay International Audio Arts Festival, partenaire de cette édition 2020.

Mark Vernon choisit de rentrer directement dans le vif du sujet : sa passion pour le glanage de cassettes. Et notamment ces cassettes qui, dans un autre temps, ont permis aux proches, familles et ami.e.s, d’échanger entre eux. Une habitude qui a eu cours en Grande-Bretagne et dont la fonction était avant tout sociale : maintenir le lien entre deux individus dans une nouvelle forme permise par la modernité. Mais si ces cassettes entretenaient les relations à distance, elles ont également permis de se rassembler. Un peu partout dans le monde se sont formés des “tape recording clubs”, associations regroupant producteurs et collectionneurs de ces fragments d’intimité. Ils et elles s’échangeaient entre autres de bon conseil, tel que créer un effet de stéréo à partir de la mono. Souvenirs d’un temps passé qui se retrouvent aujourd’hui dans les brocantes ou les marchés aux puces que Mark Vernon arpente, et qu’il qualifie volontiers comme nos héritages sonores.

Cet exemple parmi d’autres permet à Mark d’introduire le fil conducteur de son œuvre : les notions d’archéologie sonore, de mémoire magnétique et numérique. L’artiste donne une seconde vie à ces collectages, les intégrant à ses prises de son pour former de nouvelles compositions. S’il exploite ces héritages, c’est qu’il se place lui-même en héritier, guidée par le même enthousiasme qu’il nous transmet à son tour lors de cette rencontre.

A la traduction : Noé Poffa

© Photo : Sébastien Durand